DE
SAINT-PE-DE-BIGORRE
en 1887
Chef-lieu
de Canton des Hautes-Pyrénées
La commune de Saint-Pé, qui appartient à l’arrondissement d’Argelès, est située dans la partie occidentale des Hautes-Pyrénées, et le chef-lieu est à trois kilomètres de la limite des Basses.
Il se trouve à 2° 29’ 53’’ de longitude ouest, à 43° 6’ 22’’ de latitude Nord et à une altitude de 348 mètres.
On sait qu’arrivé à Lourdes, le Gave de Pau interrompt son cours vers le Nord pour tourner brusquement vers le couchant suivant un étroit vallon qui l’encaisse à peu près jusqu’à Bétharram sur une longueur d’environ quinze kilomètres. Mais aux deux tiers de la distance, le vallon s’élargit un moment de manière à former une sorte d’ovale : c’est là que se cache notre modeste cité.
La Ville est bâtie sur la rive droite de la rivière ; elle s’élève en pente douce du fond du vallon sur une sorte de terrasse, bordant en grande partie une rue de douze cents mètres.
Cette rue, qui représente vaguement un S à ronds inégaux, n’est qu’un tronçon de la route départementale de Pau à Bagnères ; elle est tangente à la place qu’entourent des maisons munies d’auvents.
Le terrain communal a pour limites : au Nord-Est la forêt de Mourle, terrain de Lourdes, et à l’Est celui de Peyrouse jusqu’au Gave ; puis, sur la rive gauche de ce cours d’eau, la forêt de Subercarrère, encore à Lourdes, et les montagnes les Pernes jusqu’à la source du ruisseau des Ferrusses.
Au Sud, Saint-Pé est délimité par les Pernes avec la vallée de Bat-sur-Guère, communes d’Omex et de Ségus, et par l’Extrême de Salles, par la pointe et sommets des montagnes jusqu’à la Pène de Rey d’ou descend la Génie-Longue au lieu dit : Picharrot.
A l’ouest, Saint-Pé est délimité par le terroir de l’Extrême de Salles, et par les montagnes d’Asson (Basses-Pyrénées), par la Croix du Maïl de Goule, par le Cap de la Génie-Braque, Bat-de-Hau, sommet d’Arau, et le ruisseau Brozou qui nous sépare d’Asson et Lestelle.
Au Nord-Ouest et au Nord, Saint-Pé a pour limites le terroir de Montaut aux endroits ci-après : le bois de Conten, indivis entre les deux communes, le ruisseau de Soriguère, les pentières du Mousqué, puis, au Nord, nous revenons à la forêt de Mourle.
Le territoire qu’on vient de circonscrire présente la forme d’une éllipse comprimée dans le sens du petit axe n’a que cinq kilomètres et va du sommet d’Arau au confluant du ruisseau des Ferrusses et du Gave.
Le cours de ce dernier sur la commune mesure sept kilomètres, le périmètre de son terroir en a vingt-neuf et la superficie quatre mille trois cent quinze hectares dont les deux tiers sur la rive gauche du Gave.
La distance de Saint-Pé à Lourdes, chef-lieu judiciaire, est de dix kilomètres ; à Argelès, chef-lieu d’arrondissement, de vingt-trois ; à Tarbes, chef-lieu de département, de vingt-huit, enfin de Pau, cour d’appel, vingt-neuf.
Le pays est fort inégal : au midi des montagnes rocheuses avec des bois et des pâturages sur les flancs, mais ne renfermant que peu de propriétés ; dans la partie septentrionale, des collines, des coteaux incultes, boisés ou cultivés, au centre la vallée avec ses riches prairies et des champs qui se couvrent de superbes moissons.
De l’école, mon point d’observation, et tourné vers le Sud je vois la Gare au fond du vallon, en face la chaîne des Pyrénées dont le versant, appelé Trescrouts, occupe toute la rive gauche du Gave.
Il faudrait bien faire connaître quelques monts, au moins ceux qui dominent, mais on n’est pas toujours d’accord sur leur noms.
Au premier plan, à droite, s’élève l’Arau dont la crête, Lisarce, nous dérobe le soleil, dès trois heure de l’après-midi, pendant les deux tiers de l’hivers. (Au Sud, je vois le Bat-de-Hau, l’Ouillet et divers autres quartiers formant une chaîne circonscrite par les deux bras de la Génie, et dont le point culminant, à l’expositio de Saint-Pé, est appelé le Quéou par les bergers, et gardes sa couronne de neige jusqu’en mai. Dans la même région sont d’autres points qu’on ne peut guère distinguer d’ici, tels que Larbastan, le Cap de la Génie-Braque, le sommet de Male-Taule, le Paillé de la Thoue ou sommet de Miqueu d’un côté, et de l’autre, vers l’Orient, la Péne Extrème de Salles, laSerre-Pourcou, le Maïl de Goule, le Cap de Litas,la Péne de Rey d’où descend la Génie-Longue.
La Pale, à gauche, se rapproche plus de nous comme l’Arau.
Encore plus à gauche, et au fond, sont les Pernes, montagnes qui nous forment la vallée de Bat-sur-Guère.
A l’Ouest enfin apparaissent les mamelons cultivés de Monjouste (Saint-Pé) et d’Asson (Basses-Pyrénées) qui reposent agréablement la vue.
Embrassant du regard la rive droite du gave, on peut mentionner de l’Ouest à l’Est, des collines et coteaux, d’abord la Tourette qui nous cache le col et la chasse du Mousqué ; puis les Serres, le Montagnou, le Pouey et l’Alit qui n’ont d’intérêt que pour les gens de la localité, mais le panorama est complet.
Les roches des montagnes sont calcaires, tandis que la Tourette est schisteuse.
En outre des produits naturels : marbre, schiste, plomb-argentifère, que la Commune de Saint-Pé recèle dans son sein, il convient de mentionner la fertilité du sol dans les points où il est cultivable, mais principalement sur les rives du Gave ; ailleurs, il est encore exploité soit comme forêt, soit comme pâture.
La fécondité de la contrée provient surtout de l’abondance de l’eau et de la fraîcheur qu’elle entretient.
Outre le Gave, nous avons comme afluents de droite : le ruisseau de Bataillé comme pour ses belles cressonnières, la Batmale qui reçoit les ruisseaux de Serres et du Mousqué et dont les eaux alimentent les fontaines de la localité. Une particularité de ce ruisseau, c’est que les eaux s’infiltrent dans le sol avant d’entrer dans la ville et passent dessous.
Viennent ensuite le ruisseau Lagagné, en face de Gets, celui de Saux, le ruisseau de Mosle, ou Mousple, qui reçoit celui du Bédat, enfin le ruisseau de Soriguère, qui sert de limite avec Montaut.
Les afluents du Gave rive gauche sont : le ruisseau des Ferrusses, limite entre Saint-Pé et Lourdes ; le ruisseau de Rieuilhès, la Génie formée parla réunion de la Génie-Longue et de la Génie-Braque ; le Centhouns, près Versailles ; l’Aygué, près Mélat, et le ruisseau de Brozou ou Arriéoucaut qui sépare Saint-Pé d’Asson et Lestelle.
Ces cours d’eau, chacun à part, peuvent causer des dégâts limités, mais c’est surtout le Gave qui devient redoutable par ses crues subites ; il éprouve fréquemment ses riverains emportant ponts ou autres constructions et ravageant la vallée.
Tous nos cours d’eau sont guéables le Gave excépté, et nous n’avons qu’un tout petit lac près de Rieulhès.
Les eaux de la Commune sont potables.
Divers points du territoire de Saint-Pé ont entre eux de grandes différences d’altitude ; le point le plus bas, moulin Matardonne, n’a que 311 mètres d’altitude à peu près comme Tarbes. Si l’on m’a bien renseigné, le fond de la vallée en a 227 environ (pont et gare), la ville, près de la place, 348, la chasse du Mousqué, 532 ; la Tourette, 565 ; la Pale, 870 ; la Bréque d’Arau, 1335 ; le Cap de la Génie-Braque, à peu près le plus élevé de Saint-Pé, a une altitude de 1525 mètres.
De la gare à la place l’ascension, comme altitude, est de 21 mètres ; de la place au Mousqué de 184 mètres ; de la gare au Mousqué, de 205 mètres. Le moulin Matardone est 37 mètres plus bas que la place ; et le Cap de la Génie-Braque 1117 mètres plus élevé.
Notre climat est ainsi un peu froid, et assez humide, et il subit de brusques changements ; les vents dominants sont ceux de l’Ouest et du Midi. Mais s’ils sont assez abondants pour assainir notre atmosphère, ils se brisent sur les hauteurs voisines de telle façon qu’on n’a pas trop à déplorer leur dégâts.
Les sommets de nos montagnes arrêtent aussi les nuages, c’est ce qui nous donne de fréquentes pluies. Des orages éclatent souvent ici,bien que tous ne produisent pas de pluie ; 51 en 1885, et 59 en 1886.
Notre température d’ailleurs, s’éloigne des extrêmes, de sorte qu’à tout prendre Saint-Pé jouit d’un climat salubre.
II
Saint-Pé compte 2075 habitants d’après le rescencement de 1886 ; et ce chiffre tend peut-être à diminuer par suite de la ruine des diverses industries locales et de la prospérité des cités voisines.
Outre le chef-lieu, qui compte 1386 ames de population agglomérée, la commune a un hameau, Rieulhès, de 61 habitants, et les quartiers éloignés suivant : Trescrouts avec 325 habitants, les Serres avec 190, Bataillé avec 37 et le Gaillat avec 76.
Hameaux et quartiers forment une population éparse de 689 habitants qui, ajoutés à ceux du chef-lieu, donnent un total de 494 feux.
Du point de vue de son organisation municipale, notre commune n’a qu’une section. La liste des électeurs porte en ce moment 606 inscrits. Le chiffre des conseillers municipaux est de 16, nommant un maire et un adjoint.
Saint-Pé est le siège d’une Justice de Paix ; il y a aussi une brigade de gendarmerie à pied, ainsi qu’un brigadier forestier avec deux agents sous ses ordres.
Pour les cultes, la paroisse relève du diocèse de Tarbes et est desservie par un curé et deux vicaires.
Relativement aux finances, le percepteur des contributions directes a ici sa résidence, et fait le service de tout le canton. Les employés des contributions indirectes, qui desservent la localité, résident à Lourdes.
Nous avons en outre un bureau des postes et télégraphes placé sous la direction d’une receveuse ; deux facteurs font le service du canton ; un troisième, celui de la gare ; enfin il y a une femme pour distribuer les télégrammes.
La valeur du centime n’est que de 72frs, 67.
Les revenus ordinaires du dernier exercice se sont élevés à 11192F 65 y compris la subvention de l’Etat pour l’instruction primaire montant à 3281 francs, ce qui réduit les revenus ordinaires à 7911f 65.
III
Les terres labourables de Saint-Pé ont une étendue de plus de 500 hectares. Comme productions, il faut mentionner surtout les céréales ; la récolte annuelle en blé peut-être évaluée à 4000 hectolitres et celle de maïs à 6000. Le rendement en pommes de terre est inférieur, il ne doit pas dépasser 1000 hectolitres.
Quant aux procédés culturaux, le sol est trop morcelé pour qu’il soit possible d’appliquer en grand les méthodes perfectionnées.
En fait de rotation des cultures on pratique généralement l’assolement biennal.
Les cultivateurs ne sont pas ennemis du progrès, seulement ils ne peuvent rien livrer au hasard ; aussi plusieurs font-ils des essais sur une petite échelle : les charrues perfectionnées ont chez eux tout à l’heure une vogue ; comme engrais on expérimente le Guano ; diverses variétés de blé sont mises à l’étude.
L’étendue des forêts est assez considérable ; elle s’élève à 2578 hectares. L’essence qui y domine est le hêtre ; puis le chêne, le coudrier et le châtaignier. On exp^loite les bois pour la fabrication du charbon, et il revient de ce chef à la commune un revenu annuel de 3000 F. L’Etat reçoit une some égale attendu que les forêts, soumises au régime forestier, sont, en outre, indivises entre les deux.
Malgré la loi assez récente qui prescrit le reboisement et le gazonnement des montagnes, on n’a effectué ici aucuns travaux pour s’y conformer. Elle est pourtant appliquée par son mauvais côté, car c’est en pure perte qu’on interdit aux troupeaux le parcours de certains quartiers : telle est l’opinion générale, et voilà ce qui rend la loi si impopulaire.
La vigne n’est guère cultivée chez nous que comme arbre fruitier ; d’ailleurs elle est malade.
L’élève des bestiaux entre pour une large part dans l’industrie agricole, rt on cite des particuleers qui ont là une source de beau revenus grâce aux soins intelligents qu’ils prodiguent aux animaux.
La race bovine est représentée dans la commune par plus de 850 individus, et la race ovine par près de 1700.
Les terrains consacrés à l’industrie pastorale sont assez étendus ; il y a plus de 300 hectares de prairies naturelles, et presque autant de pâturages.
On connaît ici une douzaine de particuliers qui vivent presque de la pêche ; on y compte encore plus d’amateurs et beaucoup d’oisifs qui se rencontrent sur les rivages de nos cours d’eau. Je m’imagine que les poissons ne se croisent pas au fond de la rivière en aussi grand nombre que les pêcheurs sur la berge.
Le gibier disparaît à mesure que les chasseurs se multiplient,ceux-ci sont pour le moins une vingtaine, mais, honteux de revenir bredouilles, ils se décourragent dès l’ouverture de la chasse.
Chasse aux pentières. - C’est le lieu de parler de cette chasse qui attire à Saint-Pé beaucoup d’étrangers pendant l’automne.
Ce droit de chasse est un souvenir du régime féodal ; il appartient à un syndicat de quatorze propriétaires qui le louront à un fermier moyennant une redevance annuelle d’environ 150 francs. Le fermier s’entoure d’un personnel de douze hommes, lui compris, tous plus ou moins dréssés à leurs fonctions.
Le lieu de la chasse est situé sur un plateau appelé le Mousqué (532 mètres d’altitude) au Nord-Ouest de la ville, près de la Tourette. Là se dresse une rangée de grands chênes plusieurs fois séculaires ; dans les vides qu’ils laissent sont tendues les pentières.
Le pigeon sauvages, qu’on nomme ici le ramier, voyage par troupes d’Orient en Occident ; quand le temps est beau il suit de très près, paraît-il, la chaîne pyrénéenne, en quoi il agit prudemment, et vit dans les bois et sur les monts ; Mais si le temps est mauvais, quand la neige recouvre les montagnes, il prend plus au nord une direction parallèle, la région des collines ; il trouve nos chasseurs à l’affût.
Aussitôt qu’on a signalé le gibier par ces mots : Haou lou co, hoooou !!! (Haut le cœur, toi !) prononcés à tue-tête, quatre chzsseurs (éts abouaïrès), ou sentinelles postées en avant dans des cabanes sur les deux collines latérales qui dominent le plateau, se mettent à jongler avec des banderoles blanches (éts pénails),poussent des huées aussi sauvages queffroyables (ce qu’on appelle : aouboua) et manœuvre si bien qu’ils amènent les ramiers près des pentières, (a ras cabanes !) s’écrie-t-on ; et tout le monde disparaît. « Hé pouzi » ! (Faites-vous-y) : c’est le moment psychologique.
En avant de la scène se dressent, à une hauteur qui donne le vertige, trois trépieds (éts trépadès) surmontés de trois cages ou berceaux où se cachent trois chasseurs (éts trépadourès) ; à mesure que les ramiers passent, on vous leur lance une sorte de raquette, morceau de bois blanc, (ét matré, ou éra baillo) que les pauvres innocents prennent pour un oiseau de proie. Affolés de terreur, ils fondent au ras du sol, cherchent leur salut dans la fuite et vont se réfugier sous le piège.
Grâce à un système ingénieux, quatre chasseurs (éts courdès) rabattent les filets en tirant une corde, et les ramiers sont capturés et mis au panier. Un enfant, apprenti, (ét bassaillon) rapporte les raquettes aux trépadourès et chacun reprend son poste.
La chasse dure du 21 septembre au 11 novembre ; avant de la commencer la troupe est invitée à un banquet chez le patron (éra téonlado). Dès qu’on a pris douze ramiers, il y a un gala pour goûter (en ta tastaons).
Si l’on prend 100 pigeons dans une journée, le patron, dans la soirée, offre des rafraîchissements à toute la troupe ; c’est ce qu’on appelle une audience (aoudienço) ; chaque homme boit sa chopine de vin.
Si la prise s’élèvait à 300 ramiers, pour un jour, les chasseurs feraient la noce (éra couloumado) et chacun mangerait sa pièce de gibier.
Mais rarement la chasse est aussi fructueuse et l’on n’arrive guère à 170 pièces de gibier dans un jour ; le total pour une année ne dépasse pas 2000 et descend quelquefois à 1200.
A partir de 1500 on dit que la chasse a été bonne.
Sur place les ramiers vivants se vendent 1 Fr pièce : c’est le tarif, et les palombes 2 Fr. Rotis à la broche au restaurant du lieu, les ramiers se payent 1 F 25. Il est d’usage de servir en même temps une lèche de pain sous la forme et avec le nom de rôtie au-dessus de laquelle on étend le foie du gibier en guise de tartine : on trouve ce mets excellent. Avec quelques autres accessoires on peut se procurer le plaisir d’une collation champêtre que les fatigues de voyage et l’air pur qu’on repire au Mousqué ne sauraient manquer de rendre appétissante.
Si l’on désire un repas complet il faut le commander à l’avance ou faire suivre d’autres aliments.
Rarement les touristes ont regretté leur excursion, quand ils n’auraient eu d’autre plaisir que d’entretenir en langue française le patron de céans, la fine fleur des gourmets et déts Cassadous de Sémpè.
Comme produits d’une autre nature, je citerai encore l’exploitation de quelques carrières de marbre d’un revenu annuel, comme location, de 250 francs à partager entre l’Etat et la Commune.
On avait extrait de l’ardoise sur la Tourette, mais les carrières sont abandonnées soit que leurs produits fussent de médiocre qualité, soit que l’exploitation fut peu rémunnératrice.
Mines de l’Arau . La tradition raconte que le fer avait été travaillé à Saint-Pé, et l’on nomme encore l’endroit : la fonderie de Grabot, mais les derniers vestiges de l’usine (ferrures et restes de moteurs), ont été enlevés depuis quelques années. Des personnes âgées de plus de soixante ans, et dignes de foi, m’assurent les avoir vus.
La montagne de l’Arau garde aussi les traces de travaux qui avaient dû coûter cher, entre autres, une profonde excavation au fond de laquelle on voit les traces des trous de mine à 10 où 12 centimètres.
D’autre part, les archives communales font mention d’une délibération prise par le corps municipal de Saint-Pé en l’année 1643 (ou 1648) pour interdire l’exportation du charbon qui devait servir sans doute, à l’exploitation des mines de fer et de cuivre de Trescrouts. On a écrit que Saint-Pé se trouve dans une contrée abondante en mines de cuivre et de plomb.
M. de Lagrèze, dans sa monographie de Saint-Pé, a même ajouté qu’une mine d’argent y fut découverte il y a quelques années. Des échantillons en furent remis à M. Mouniq, vers 1840 ; mais ceux qui avaient trouvé la mine sont morts sans faire connaître le lieu où elle se trouve.
Un membre de la famille Mouniq m’a confirmé le fait.
Mais des fouilles ne se feront pas si des étrangers ne viennent pas nous infliger cette honte. Ah ! si un recoin de la blonde Albion était réputé contenir un trésor comme demain il serait exploré dans tous les sens ! On aurait au moins le cœur net.
L’Etat, qui a le monopole de l’exploitation des mines, avait concedé celles de l’Arau à un certain M.de Querrieu. Aujourd’hui les mines de plomb argentifère de l’Arau sont concédées, moyennant une redevance annuelle de 62F88 (pour la part qui en revient à la commune) à The Perrefitte Mening Company, compagnie anglaise représentée par M. Veillard, Paris, rue Truffart, 67.
Les travaux ne sont pas commencés.
Parlerai-je des usines et des moulins de Saint-Pé ?
Ils n’ont plus d’importance. Quelques sciries fonctionnent encore ; la moitié des moulins chôment par suite sans doute de la révolution économique survenue dans la menuiserie.
Saint-Pé est assez bien partagé sous le rapport des voies de communication ; la route départementale de Pau à Bagnères, numéro 4, traverse la ville dans toute sa longueur.
Elle fut construite au commencement du XVIIe siècle, et rappelle M. d’Etigny.
Deux ponts mettent en communication les deux rives du gave ; celui de la ville, emporté par l’inondation de 1875, était complètement reconstruit en 1879. Le diamètre du cintre mesure 21 mètres, et la largeur supérieure 4 mètres y compris les parpaings. La longueur des parapets est de près de 45 mètres.
Le pont de Rieulhès, en amont du chef-lieu, fut rompu en 1872 ; les travaux de reconstruction commencèrent immédiatement pour s’achever vers 1876. Le diamètre du cintre mesure 20 mètres.
Saint-Pé possède en outre une station sur la ligne du chemin de fer de Toulouse à Bayonne, livrée à l’exploitation depuis 1867. Par cette voie on se transporte, d’ici, d’un côté aux chefs-lieux judiciaire, d’arrondissement, de département ou d’académie, et d’autre part, à la cour d’appel.
Malheureusement nous n’avons plus de service régulier de voitures, ni de diligences, et le voyageur qui ne peut attendre le passage du train est réduit à louer un véhicule souvent peu commode. Encore est-il heureux s’il en trouve.
Le commerce local est à peu près nul. Autrefois Saint-Pé avait un marché tous les lundis et une foire le 1er Août ; nos puissants voisins ont tué l’un et l’autre.
Pendant longtemps prospéra le commerce des peignes avec l’Espagne ; ce débouché n’existe plus et l’industrie a disparu.
La clouterie vint après ; elle vogua de longues années ; elle se meurt aujourd’hui grâce aux progrès réalisés dans la fabrication mécanique de cet article. Le commerce et la fabrication des toiles eurent ici de beaux jours ; ils touchent à leur fin toujours par la faute des machines. Les tailleurs de pierre se plaignent à leur tour de la rigueur des temps présents. La fabrication du charbon permet seule d’occuper encore quelques bras et donne lieu à quelques transactions ; cependant l’industrie est en baisse. Mais quelle vie que celle des charbonniers ! Ils furent les parias de la localité, ils y resteront peut-être les maîtres avec les laboureurs,, du moment que les peigniers et les cloutiers, aristos en leur temps, ont évacué la place.
Sans commerce local, pas de mesures locales.
Cependant on parle encore de la quartère, 20 ou 25 litres, pour les matières sèches, et du bouchet, qui en est le quart, et qui rappelle sans doute le mot boisseau. Le journal, pour la superficie des champs, équipvaut à 18 ares, 76 ; la canne, pour la mesure du bois réduit en planches, équivaut à 64 empans carrés.
IV
Le nom de Saint-Pé n’est que le patois de Saint-Pierre.
Primitivement c’était un tout petit hameau, dépendant de Lassun (Montaut, Basse-Pyrénées), et bâti au confluent du ruisseau la Génie avec le Gave. Générès ou Geyres était son nom, emprunté sans doute au cours d’eau la Génie.
Histoire municipale de Saint-Pé
Ce lieu était devenu célèbre par les Guérisons qui s’opéraient.
Vers 1010, Sanche-Guilhaume, duc de Gascogne,atteint d’une maladie dont les ressources de la science n’arraient pu le délivrer, vint chercher guérison à Générès, soit en s’abreuvant à une source aujourd’hui inconnue, soit par l’effet des grâces attachées à un pèlerinage en cet endroit où, dit le cartulaire de Lescar, la bonté de Dieu se manifestait par des miracles.
Pénétré de reconnaissance, le duc fonda en ce lieu un monastère qu’il affranchît de tous droits, et qu’il donna à Dieu, et au bienheureux Saint-Pierre.
Les bénédictins de la congrégation de Saint-Maur furent mis en possession de Saaint-Pé-de-Générès, et Arsius, abbé de Saint-Sever-de-Rustaing, fut choisi pour gouverner le couvent. Une charte voisine de 1032 consacre cet événement.
Sanche acheta les droits que des seigneurs pouvaient avoir sur le lieu concédé. Il offrit de riches présents :vases d’argent, de cristal, ornements d’église ; il concéda une pêcherie et deux maisons à Salies avec un poêle à fabriquer le sel, etc.
Le comte de Bigorre et le vicomte de Béarn furent constitués patrons et défenseurs du couvent. Le premier, Garsias Arnaux, donna, moyennant de légères redevances, le tiers du marché de Lourdes, et quelques terres du villages d’Adé, et le second céda le village de Lassun, une maison, des paysans. Pour attirer la population autour de l’abbaye, on accorda des privilèges, on donna des serfs ; ce fut même un lieu de refuge sous le régime féodal ; grâce aux franchises accordées à l’abbaye, on y conquérait la liberté : ainsi grandit le monastère qui a donné naissance à une petite ville.
Les fondements de l’église ou basilique de Saint-Pé furent jetés par le premier abbé. La dédicace n’eut lieu qu’un demi-siècle après la fondation ; ce fut là une grande solanité. Tous les prélats de Gascogne, le 20 octobre 1096, dédièrent l’église à Saint-Pière en présence du peuple et des barons de toute la Gascogne dont faisaient alors partie le Béarn et la Bigorre.
L’immunité accordée par Sanche fut publiquement renouvelée.
Saint-Pé dépendait primitivement de l’Evéché de Lescar. Mais il advint que le vicomte de Béarn, Centulle IV, convoitait la main de Béatrix, contesse de Bigorre. Il promis le monastère de Saint-Pé à Ponce, évèque de Tarbes, s’il faisait réussir ses projets. Les négociations aboutirent et l’évèque de Tarbes obtint la récompense promise, entre les années 1096 et 1112.
Bernard, évèque de Lescar, protesta,et un procès aussi long que retentissant en fut la conséquence ; pendant longtemps Saint-Pé fut comme une Alsace-Lorraine entre les deux diocèses.
La preuve testimoniale ayant été admise, seize vieillards, témoins de l’acte de fondation, furent entendus ; les moins âgés avaient, selon quelques-uns, 108 ans, et 112 selon d’autres.
Finalement, l’évèque de Tarbes l’emporta, et Saint-Pé resta sous sa dépendance.
En 1281, Gaston de Béarn donnait le territoire de Trescrouts au couvent et à la communauté de Saint-Pé, représentés par les moines et les bourgeois.
Dans les premiers temps de l’histoire de notre commune, l’abbé du couvent en était le seigneur et le maître. Il relevait uniquement de la papauté. Il recevait un droit de leude (éra létzo) sur le marché de la ville ; il percevait une conque par chaque char de vin mis en vente. Pendant tout carême il avait le privilège de faire vendre seul du vin et du cidre.
Tous les habitants qui avaient des chevaux de trait devaient employer deux journées à porter les vivres du couvent ; tous ceux qui avaient une paire de bœufs devaient une corvée de huit jours, etc.
Le droit de chasse appartienait aussi à l’abbé, et au début il l’exerça en grand seigneur.
Il exigeait même l’abbergue ou arcint (éra bégado) c’est-à-dire l’hospitalité, la nourriture pour lui et sa suite au moins dans certains lieux.
Voici ce qu’on lit dans une charte du cartulaire de Saint-Pé :
« A la maison Péré, au bout du pont de Nay, la terre et toutes ses dépendances doivent arcint l’abbé, avec sept hommes à cheval et trois hommes à pied. Le cheval de M. l’abbé de Saint-Pé aura une quartère d’avoine, et les autres six chevaux suffisante et bonne nourriture, etc. »
« Et si loudit mussen l’abat (abbé) mène lebrès ni caas, que touts ayen suffisament à minyar, et si a austour, ni faucou, ni esparbès, que aye ne garie, et asso tots an une bégado et fofeyt loudit arcint per mussen Ramond Ayméric Ramond de Baselhac abat deudit monaster, l’an 1433 et a onze dies de novembre ; carta y a retengude à Nay. »
Plus tard l’abbé ne se réserva pas pour lui seul le monopole de poursuivre le gibier ; toutefois il exigeait des chasseurs le quartier droit de devant (plus tard de derrière) de tous sanglier, chevreuil, cerf, isard, ou autre venaison. Les religieux encourageaient aussi la pêche, mais aucun poisson ne pouvait être vendu en ville qu’il n’eût été préalablement au couvent.
>Vers le XIVe siècle, l’autorité abbatiale fut un peu affaiblie pendant que l’autorité royale grandissait.
>Devenu comte de Bigorre, le roi revendiquait le bourg de Saint-Pé comme dépendance de son château de Lourdes. Les officiers disputaient à l’abbé l’entière seignerie de la ville. Ils lui refusaient surtout le droit de haute justice. Pour éviter des luttes, ou la force n’était pas de leur côté, sans doute aussi pour se donner un appui, un protecteur, l’abbé et les religieux firent un accord avec le sénéchal de Bigorre à Rabastens, le 19 février 1319, et reçurent le sénéchal en paréage sous le bon plaisir de Charles IV le Bel.
En vertu de ce paréage l’abbé jouissait de moitié avec le roi de la haute, moyenne et basse justice, et le produit des condamnation et amendes était partagé par égales portions. L’exécution de ce traité se maintint pendant un siècle. Mais le vicomte de Béarn, ayant obtenu la main-levée du comté de Bigorre, il devint co-seigneur de Saint-Pé, ainsi que ses successeurs jusqu’en 1466. A cette date le paréage fut renouvelé.
En ces temps-là, il n’était pas permis d’incarcérer un habitant de Saint-Pé hors de la prison de la ville, sans l’autorisation de l’abbé, et lors de son avènement tous les habitants étaient tenus de lui prêter serment de fidélité.
Saint-Pé ne fut pas le théâtre de grands évènements, et jusqu’au XVIe siècle on voit l’abbaye prospérer et présider seule ou en paréage aux destinées de la ville. Mais quand les guerres de religion éclatèrent, notre cité ne fut pas épargnée.
En 1569, l’armée calviniste livra aux flammes la maison abbatiale et les habitations des religieux ; les neuf cloches de l’Église furent emportées à Navarrenx. On a prétendu tour à tour que la reine Jeanne d’Albret, son Général Montgomméry, et le capitaine Laborde avaient présidé à ces désastres.
Destornez, frère de l’abbé, défendit vaillamment le pays.
Les moines cherchèrent à relever les ruines de leur abbaye, et la chronique ne signale plus aucun événement important qui les concerne jusqu’à la suppression des ordres religieux pendant la révolution Française (D’après M. de Lagrèze).
Charte municipale de la communauté de Saint-Pé.
Pendant les évènements qui précèdent, la population de Saint-Pé avait acquis de l’importance, grâce au développement de ses franchises communales.
En 1281, nous l’avons vu, Gaston de Béarn lui avait fait donation du territoire de Trescrouts, mais sous condition d’indivision avec le couvent.. Il y existait donc déjà une organisation municipale qui dut s’étendre par la suite. C’est cette charte de la communauté de Saint-Pé que nous allons exposer dans ses grandes lignes.
On se servait du mot communauté pour celui de commune.
Avant la Révolution, Saint-Pé, par le chiffre de sa population, était la ville la plus importante de la Bigorre, après Tarbes et Bagnères.
La communauté de Saint-Pé se divisait en quatre quartiers, dont deux pour la ville : la Marque-Dessus et la Marque-Debat, et deux pour la campagne : Trescrouts et les Serres.
Chacun d’eux avait un consul (u cossou) et les quatre formaient un conseil exécutif dont les pouvoirs étaient beaucoup plus étendus que ceux des municipalités actuelles.
Ainsi, ils rendaient la justice sur la place publique sous la surveillance du Bayle ou Baillif qui était là pour représenter le roi et l’abbé lesquels recueillaient les profits de la judicature.
Les consuls étaient chargés du recouvrement de certains impôts, ou ils présidaient, plutôt, au choix des collecteurs des taxes qu’ils surveillaient et contrôlaient. Nos archives communales font mention d’un collecteur prévaricateur qui fut retenu en prison jusqu’à ce qu’il eut promis de rendre ses comptes.
Les consuls étaient officiers de la police municipale et cette attribution devait leur peser quelquefois. Ainsi dans une délibération du 16 mai 1784 il est dit que « dans la nuit du 13 du courant des personnes mal intentionnées et ennemies du bon ordre ont entrepris malicieusement et par esprit de révolte de détruire un des tilleuls plantés pour l’ornement de la place publique, etc… que depuis longtemps les perturbateurs du repos public courent les rues toutes les nuits, font un vacarme effroyable, assassinent à coups de pières les habitants dans leurs maisons jusque dans leur lit et portent ainsi le trouble et l’épouvante dans un temps destiné au repos et au sommeil etc. ». Peu après on demanda du secours à M. de Gontaut commandant dans la province.
Les consuls exerçaient encore d’autres pouvoirs, et l’on peut juger par là combien il devait leur tarder quelquefois d’être délivrés d’une responsabilité aussi redoutable que gratuite, pour eux.
Leurs fonctions ne duraient qu’un an ; le 27 décembre de chaque année, on procédait à l’élection des consuls de l’année suivante.
Chacun des sortants présentait deux candidats et le choix devait porter sur la liste des huits, seuls éligibles.
Le corps électoral était formé d’un représentant de l’autorité royale, procureur ou substitut de l’abbé, des religieux et d’autres éléments pris parmi les gens nobles et bourgeois.
Le premier janvier, les nouveaux consuls prêtaient serment, après quoi ils étaient investis de leurs fonctions. Puis les anciens rendaient leurs comptes à six auditeurs des comptes.
Plusieurs personnes à Saint-Pé pourraient produire la liste de tous les consuls élus depuis l’année 1446.
En 1765, les quatre consuls furent remplacés par un maire deux échevins et quatre conseillers.
A côtés du pouvoir éxécutif était le corps délibérant, le conseil particulier ; c’est à son examen que les consuls soumettaient les questions qui intéréssaient la communauté.
Il était composé de vingt à trente membres pris parmi les notables de la localité, nobles et bourgeois. Ils se nommaient entre eux d’après je ne sais trop quel système, puis ils se réunissaient en séance deux fois par semaine le lundi et le vendredi.
C’est là qu’on discutait le règlement de la boucherie publique, de la boulangerie, du débit de boissons ; là aussi on votait après débat les crédits nécéssaires pour réparations aux établissements communaux ; ponts clocher, maison commune, maison d’école, etc.
Mais la charte de la communauté de Saint-Pé revêtit d’abord un caractère démocratique, car les affaires publiques une fois étudiées en conseil particulier étaient ensuite délibérées et définitivement résolues en assemblée générale ou conseil général de la Vésiau, mot qui a sans doute le sens d’assemblée de voisins constituant la communauté. Ces réunions se tenaient sur la place publique, et probablement au début on y admit tout le monde.
En 1712, en vertu d’une ordonnance de Mgr de Lamoignon, intendant à Bordeaux, le conseil général se composait des consuls, des chefs de famille, des propriétaires et principaux taillables.
Défense y fut faite d’y admettre les fils de famille, métayers et autres. Il fut aussi interdit de soumettre à l’assemblée générale aucune proposition qui n’eût déjà été approuvée par le conseil particulier.
Mais en 1778, le conseil général fut supprimé, et on disait en matière l’exposé des motifs : « Le roy, étant informé qu’il règne dans la ville de Saint-Pé des troubles et des divisions qui sont contraires au bon ordre, préjudiciables à l’administration de la dite communauté, et qu’ils proviennent de l’usage où l’on est dans cette ville d’appeler aux assemblées générales les artisans et les gens du même (illisible) qui n’ont aucune connaissance des affaires, qui se conduisent suivant la volonté des personnes ambitieuses, que leurs suffrages les font prévaloir sur les personnes sages et éclairées qui voudraient faire le bien et que l’on force par là à s’éloigner des assemblées de la communauté, d’où il résulte les plus grands abus dans l’exercices de la police et dans l’emploi des deniers patrimoniaux… a sa Majesté supprimé toutes assemblées générales, etc. »
Pour les affaires communes avec l’abbaye, celle-ci se faisait représenter par l’abbé ou un syndic.
L’autorité civile était aussi représentée par un substitut ou un procureur qui assistait aux délibérations.
Saint-Pé nommait encore deux députés aux états de Bigorre.
Tradition de la clef de Saint-Pierre.
On conserve à l’église de Saint-Pé, une clef dite de Saint-Pierre, fabriquée, dit-on, avec un anneau de la chaîne qui retenait en prison le prince des apôtres. Le dimanche de la Saint-Pierre, pendant les diverses messes, on la donne à baiser à tous les assistants. La tradition rapporte qu’il y a deux siècles environ plusieurs personnes de la maison Destornez d’Angosse, mordues par un chien enragé, furent guéries en touchant dévotement cette relique, tandis qu’un domestique périt dans d’affreuses souffrances après avoir tourné cette pratique en dérision.
Légende du pont du diable.
Il était question de construire un pont sur le ruisseau la Génie. Un riverain y réfléchissait et dressait ses plans. Le diable lui apparaît ; il a deviné ses projets et son embarras. Il propose de bâtir le pont si l’intéréssé veut lui livrer son âme. Ce dernier accepte le marché à la condition que le pont sera construit le lendemain matin avant le chant du coq. L’esprit malin se mit à l’œuvre.
Il travaillait encore quand un coq blanc chanta « Pour le coq blanc je ne m’arrête pas » dit le démon. Un coq rouge se fit bientôt entendre. « Pour le rouge, je continue » dit Lucifer.
Enfin le coq noir chanta à son tour. « Pour le coup j’ai perdu ma gageure » dit Satan. Mais le pont n’était pas achevé ; il suffisait d’une pierre pour combler le vide qui restait.
On essaya de tous les ciments pour y sceller la pierre, mais sans jamais y parvenir.
Le pont du diable n’existe plus, un nouveau le remplace.
Il suffira d’ajouter, pour montrer l’impossibilité de sceller la dernière pierre à l’ancien, qu’après avoir fait la noce, le soir, les jeunes gens s’amusaient à en démolir le parapet.
Personnages célèbres.
A proprement parler, Saint-Pé n’a pas donné le jour à ce qu’on nomme des grands-hommes.
Je vais pourtant en citer cinq dont la réputation a franchi les limites de leur province ou qui se sont rendus recommandables par leur bienfaits : Les voici par ordre de date.
Pierre Nicolau (1734-1810) fit ses humanités à Toulouse et soutint des thèses qui lui firent beaucoup d’honneur. Il fut professeur au collège de Moissac, obtint une chaire de rhétorique à Toulouse, concourut aux Jeux Floraux. Cette académie décerna des prix à plusieurs de ses compositions. Plus tard, il fonda à Paris un établissement pour l’éducation des officiers.
Il fut nommé membre du conseil de la commune de Paris.
Il fut désigné pour remplir les fonctions de précepteur du Dauphin, fils de Louis XVI, fonctions que sa maladie ne lui permit pas d’accepter. (archives de la famille Balencie)
Le général Vergès, né en 1757, débuta comme simple soldat, se signala par des actions d’éclat qui lui firent franchir rapidement les diverses grades ; Capitaine des chasseurs de montagne pendant la guerre de Vendée sous les ordres du général Travot, on prétend qu’il arrêta de sa main, Charrette, chef des Vendéens.
En 1810, il était général de brigade et commandeur de la légion d’honneur. En 1825, il obtint le grade honorifique de lieutenant-général. (D’après : Souvenirs de la Bigorre, Imprimerie Larrieu, Tarbes).
François Estarac (1758-1819) prêtre, fut professeur au collège de Pau où il enseigna la logique, la métaphysique, la morale, la physique, les mathématiques élémentaires et transcendantes, et la grammaire générale. Il fut membre du conseil municipal de Pau (1790-1791), de l’assemblée électorale des Basses-Pyrénées en 1792, procureur de la commune de Saint-Pé en 1794 et 1795, fut membre correspondant de l’athénée de la langue française, que d’honneurs encore ne cumula-t-il pas ! Il est auteur d’une arithmétique, d’une Grammaire Générale, en deux volumes in-8°, sur laquelle le conseil de l’Instruction publique de l’époque porta le jugement le plus favorable.
(D’après souvenirs de la Bigorre)
L’abbé Procope Lassalle, (mort en 1831) fut un bienfaiteur pour la ville de Saint-Pé. Son bureau de bienfaisance lui doit la rente annuelle de 1200 francs distribués tous les ans aux pauvres de la localité. Il acheta le local occupé par les institutrices congréganistes libres et le donna à l’ordre dit des Filles de la Croix avec une rente annuelle à perpétuité de 500Fr à la condition d’y donner l’instruction religieuse aux filles pauvres. L’Évêché de Tarbes lui doit aussi le local occupé par le Petit-Séminaire de Saint-Pé, l’ancienne abbaye.
Dominique Rébitté (1810-1885), docteur es lettres, ancien professeur de rhétorique au lycée de Marseille, et ancien chef d’institution, était un homme d’une grande érudition. « Non seulement il savait le latin et le grec comme un sorboniste, mais il possédait encore le sanscrit et parlait couramment les principales langues modernes.
Suivant de très près le mouvement littéraire et philologique, il était lié avec les érudits en renom, avec Burnouf, avec Egger, avec Renan (!) surtout, qui ne manquait jamais de descendre chez lui quand il débarquait à Marseille au retour de ses voyages en Orient. (Sémaphore de Marseille).
Notre compatriote était en même temps un écrivain.
M. Rébitté avait publié plusieurs brochures et aussi un travail remarquable sur Guilhaume Budé qui lui fit parmi les savants une certaine notoriété.
De modeste origine et sans ressources personnelles, Mr Rébitté ne dut qu’à son intelligence et à un travail opiniâtre de fournir une belle carrière.
L’idiome de Saint-Pé est à peu près le patois du Béarn ; il est vrai qu’il se modifie tous les jours. Comme chants locaux, il n’en existe guère. Je citerai cependant une chanson faite il y a longtemps pour plaisanter les gens d’Asson qui prétendaient pour leurs troupeaux à un droit de pacage sur les montagnes de Saint-Pé.
La chanson comptait huit couplets ; en voici trois à titre de spécimens :
Pierrine de Saoubate créy qu’én bo badé hoou
Si nou a pas la péchensa at soum det pusch d’aroou
Que yure è qué prouteste ès qué soustié pourtan
Qu’én boou éra péchenso at soum dé Larbastam
Péïras, Sep é Caoubolo qué s’én soum coumbiencuts
Moundieou ! tous très amasso sïn haren prous d’escuts ?
Qu’én desligan las boussettas en tas païsas d’assou
En disén cousiné bolén croumpa lous moutous
Aun sérén las plazénsas é lous béroïts coumplots
Si nous abèm pas las aïzensos déous cuïélats déous bos
Las yerbétas fluridas que s’en arridéran
È las aouillas è las aouillas las bêlaran
Pour les mœurs et les coutumes je ne vois pas grand chose qui distingue des autres la population de Saint-Pé ; elle mérite même qu’on la réhabilite sur un point. On lui avait fait l’injure de la représenter comme observant peu les règles des convenances les plus élémentaires et de répondre trop brusquement aux questions des passants.
Quand ceux-ci en posaient d’indiscrètes ou d’impertinentes ils n’étaient pas à plaindre si on leur rendait la monnaie de leur pièce : qui sème le vent recueille la tempête.
Cette population intelligente et d’un caractère indépendant est aussi très impressionable, j’ajouterai qu’elle aime les fêtes bruyantes.
Il suffit, pour les costumes, de nommer la veste, la blouse et le béret à la béarnaise.
A l’égard des cultes, la population est catholique.
Dans l’alimentation il s’est opéré une révolution depuis quinze ou vingt ans ; le déjeuner à la (broye), pâte de maïs a été remplacé par le café même dans les familles pauvres, et l’on se nourrit mieux que par le passé.
En fait de monuments, il y a dans notre église, comme restes de la célèbre basilique du XIe siècle, trois absides, une tourelle d’escalier, le fond du bas-côté du sud, puis la clef dite de Saint-Pierre sus-mentionnée.
Saint-Pé a des archives communales fort riches, mais elles dépérissent tous les jours. Les paléographes qui pourraient tirer grand profit pour l’histoire devraient se hâter. Ces archives sont détaillées dans deux inventaires dréssés, l’un par M. Magenties, de Tarbes, et l’autre par feu M. Batsèque de Saint-Pé, en 1827.
Je puise quelques indications dans ce derrnier.
1er Registres de l’état civil depuis 1648.
2e Titres de la ville, comme documents relatifs à la forêt de Trescrouts, Livre de la Réformation de 1609, documents sur la forêts de Conten, documents sur la forêts du Bédat, Titres particuliers de la Ville.
3e Bulletins des lois, édits arrêts du Roi, depuis 1716.
4e Actes de la Préfecture depuis 1815.
5e Délibérations du conseil municipal depuis 1608, en 15 liasses.
6e Vieux cadasters, états de sections, matrices et nouveau cadastre.
Il y a une monographie de Saint-Pé par M. de Lagrèze et une autre par M. Cénac-Moncaup.
Il y a des ouvrages inédits : M. l’abbé Crabé a pris beaucoup de notes dans les archives, et M. Balencie se livre encore à des recherches.
Annexe au titre IV
Enseignement
La première école ouverte à Saint-Pé a certainement dû se tenir au monastère ; mais on n’y donnait probablement que l’enseignement secondaire dont je vais m’occuper tout d’abord.
Enseignement secondaire
En tête du palmarès du Petit-Séminaire de Saint-Pé, année 1884, est reproduit un discours où il est questions du bien que les bénédictins firent à la ville de Saint-Pé.
On y lit que leur maison « avait son école intérieure pour les jeunes enfants, et son école des novices dans laquelle étaient admis les fils des bienfaiteurs et les jeunes nobles de la contrée. »
Pour montrer les résultats de cet enseignement on a fait le dénombrement des prêtres qui ont vu le jour à Saint-Pé. « on a relevé les noms de trente pendant le XVIIe siècle et de trente huit pendant le XVIIIe. »
Et plus loin : « le monastère compte quatre prieurs et deux abbé originaires de Saint-Pé. »
Plus bas encore on attribue aux bénédictins le mérite d’avoir formé des hommes de la valeur de F. Estarac et Pierre Nicolau.
Il est même fait mention d’une séance du conseil municipal de Saint-Pé, à la date du 7 décembre 1789, où cette assemblée, après quelques considérants « arrête unanimement que nos seigneurs de l’assemblée nationale seront suppliés de conserver à la présente ville un établissement qui la vivifie, et de lui rendre les religieux et les rentes qui ont été attachées au Collège de Pau absolument étranger à la province de Bigorre. »
J’enregistre ces lignes sans les contrôler, puis je vais discuter certaines des affirmations qui précèdent.
Pour les 38 prêtres du dernier siècle, les bénédictins ne pourraient pas réclamer l’honneur de les avoir formés tous. Une famille de la ville, la famille Labatut, compta dans ce siècle-là plusieurs prêtres parmi lesquels un devint Vicaire Général. Je tiens de bonne source que les prêtres en question firent leurs études à Pau ; et ceci me permet de supposer qu’il ne furent pas les seuls de Saint-Pé.
M. Balencie qui n’est pas le détracteur des religieux, a eu l’obligeance de me fournir les éléments de la biographie de P. Nicolau et de F. Estarac ; j’y ai lu que le premier avait fait ses humanités à Toulouse et qu’il n’est pas sûr que F. Estarac ait été élevé à Saint-Pé.
Il est permis de supposer que les bénédictins de Saint-Pé ne donnaient l’enseignement secondaire que pour les basses classes, et qu’ils envoyaient les élèves faire leurs humanités ailleurs. Ils n’auraient donc pas eu un Collège de plein exercice.
Quoi qu’il en soit, leur départ fit un grand vide dans la localité ; alors M. Estarac, et M. Abadie-Jeangrand après lui, s’appliquèrent à le combler et ouvrirent des écoles libres où ils s’occupaient d’enseignement secondaire. Mais en 1822, le prêtre Procope Lassalle ayant fait don à l’évéché de Tarbes des locaux de l’ancienne abbaye, le collège ecclésiastique actuel fut ouvert.
Enseignement primaire
Les bénédictins ne durent pas donner l’enseignement primaire aux jeunes enfants de Saint-Pé ; en consultant les registres des délibérations du conseil particulier de la ville, on peut suivre les traces d’une école primaire communale depuis l’année 1629. A cette date le sieur Peyrou fut nommé régent par le conseil.
En 1639 a lieu la nomination de Gabriel Ducout qui fut maintenu l’année suivante.
En 1648, le conseil particulier vota 80 livres pour le traitement du régent Dominique Forio de Ger ; et le 4 mai de la même année, fut décidée l’acquisition d’une maison d’école pour 168 livres 5 sous, 6 deniers.
Le traitement de 80 livres paraît dérisoire ; mais il serait intéressant d’en convertir la valeur en monnaie de nos jours.
Considérons d’abord le prix de la sus-dite maison d’école ; songeons ensuite qu’à cette époque un champ de deux journaux et demi, environs 47 ares, se vendit pour 20 livres. Le pot de vin se payait 10 liards ; la livre de mouton (taxe 1667), 7 sous ; celle de brebis, 4 sous ; de veau de lait, 3 sous 6 deniers ; de bœuf ou de vache, 2 sous. La journée d’ouvrier, sans la nourriture, était de 15 sous pour les hommes et de 4 pour les femmes.
En 1650 reparaît le régent Gabriel Ducout qui reçu une gratification de 10 livres, en sus des 80 livres de son traitement.
En l’année 1655, c’est un prêtre de Peyrouse, Jean Bégué, qui était nommé régent de Saint-Pé au traitement de 80 livres.
En1662, Sanson Lastorte était nommé régent aux gages de 40 livres. Mais au traitement que la ville faisait à ce maître d’école, il faut ajouter le produit de la rétribution scolaire qui était par an de 15 sous pour les plus jeunes élèves, de 30 sous pour les moyens et de 40 sous pour les plus instruits.
En 1664, Sanson Lastorte s’étant bien acquitté de ses fonctions, fut maintenu, et son traitement fut augmenté de 10 livres.
Mais le 25 avril 1667, les 50 livres ne lui furent accordées qu’à la condition qu’il s’acquitterait de son devoir à l’avenir mieux que par le passé ; et le 29 avril 1975, le conseil lui vota 12 livres 10 sous pour trois mois sûlement ; s’il s’appliquait bien on promettait de lui continuer le traitement pour toute l’année.
En 1684, Prat de Bénéjac était nommé régent.
En 1739, une délibération du conseil porte que depuis quatre ou cinq ans, les jeunes filles ne fréquentent aucune école parce que l’évêque avait défendu de les envoyer chez le régent et en avait fait un cas réservé. On décida d’appeler une régente et de lui préparer un logement à l’hôpital. C’est probablement la première trace qu’on trouve dans nos archives d’un projet de création d’une école de filles, mais je ne saurais affirmer si on donna suite à ce projet.
Je ne puis dire davantage à quelle époque remonte la nomination comme régent de Latapie-Burret, de Saint-Pé, qui fut remplacé par Pierre Campet en 1785. C’est ce qui résulte de la délibération suivante, en date du 9 octobre 1785, reproduite par fragments avec son orthographe, et qu’il me paraît utile de consigner ici.
« … a comparu le sieur Jean Latapie Burret, secrétaire greffier qui a représenté que ne pouvant plus souper des soins de la régence et de leducation des enfants de la ville, a raison de son age et de ces infirmités il a prié plusieurs fois M. M. Les officiers municipaux de procurer à la ville un sujet pour le remplacer…
… Les officiers municipaux s’étant donné des mouvemens et ayant fait des recherches pour se procurer un nouveau regent le sieur Pierre Campet ayant comparu et ses exemplaires ayant été trouvés au gré de l’assemblée et ayant laprobation de M. Labarrère Curé, ici présent, il a été unanimement délibéré que lassemblée recoit pour regent le sieur Campet moyenant les gages annuels fixés à la somme de trois cents livres seulement sans qu’il puisse rien exyger d’aucun de ses éllèves…
« … A la charge par lui de faire deux fois lecolle par jour, le matin depuis huit heures jusques à midi, et le soir depuis une heure jusques a cinq chaque jour de la semaine ; il soblige encore de montrer aux enfans les prières du catechisme du matin et du soir tous les jours et le catéchisme deux fois par semaine et tous les jours pendant le carreme et de faire assisté les enfants au catechisme les jours du dimanche et fete…
Mgr Lintendant sera suplié domologuer la présente délibération et dauthoriser la Comté etc… »
L’année suivante le régent Campet se démit de son emploi ; alors il y eut un concours, le 19 novembre 1786, entre Pouey de Laruns, et Lassime d’Ossun « … L’assemblée, porte la délibération du conseil, ayant pris connaissance de la capacité de l’un et de l’autre sujet, qui ont produit leurs exemplaires, et fait de nouveaux essais, tant d’écriture que d’arithmétique, a délibéré de procéder au scrutin à l’élection d’un des deux concurents, … Lassime a été nommé à la pluralité des suffrages … »
Naturellement, Lassime souscrivit aux conditions imposées à son prédécesseur Campet.
En 1787, la communauté se déclara satisfaite de Lassime mais le 29 août 1791 le procureur de la commune… « requier que les gages fixés pour » certains « émoluments soient supprimés et notament celui du Sr Lassime metre decole, il est notoire qu’il n’est pas exact à son devoir qu’il neglige entièrement pour se livrer à des goûts tout a fait opposés à son devoir, il passe des journées entière à jouer aux quilles dans plusieurs cabarets de la ville et à d’autres jeux de plaisir négligeant toujours de faire lécole… ».
Mais, quelques jours après, ce procureur était remplacé et le conseil maintenait Lassime. Je n’ai pas le temps de chercher jusqu’à quelle époque il conserva ses fonctions.
De renseignements pris auprès des vieillards, il aurait exercé encore vers la fin du 1er Empire, mais je ne sais à quelles conditions.
Le sieurs Peyras lui succéda ; il allait même donner des leçons à domicile.
Après lui vint M Batsèque ; mais il ne tarda pas à être nommé percepteur ; il eût pour successeur M Hontaas.
En même temps, un certain M. Chet-Debat, dit Soulancé, parcourait les campagnes et donnait des leçons à domicile aux fils des paysans.
Dans sa séance du 13 mai 1831, le conseil municipal délibère et alloue un crédit de 30 francs pour l’indemnité de logement à payer à M. Monlaur instituteur. De ce temps exerçait aussi M. Escot-Sep à je ne sais quel titre.
On me raconte qu’à cette époque les élèves payaient une rétribution scolaire mensuelle de 0,f75 s’ils écrivaient et 0,f50 s’ils ne faisaient que lire. Leurs maîtres ne touchaient probablement pas d’autres honoraires.
Dans sa séance du 8 janvier 1834, « … Le Conseil, vu la pétition des filles de la Croix, établies à Saint-Pé depuis quelques années, et qui demantent à être définitivement autorisées à donner l’éducation et l’instruction gratuites aux jeunes filles, ainsi que l’enseignement des travaux manuels propres au sexe, est d’avis que la communauté des Filles de la Croix soit autorisée à Saint-Pé conformément à la loi du 24 mai 1825… »
L’autorisation sollicitée dut sans doute être accordée et la dite école congrégationiste libre a seule donné l’enseignement primaire aux jeunes filles de la commune jusqu’à l’année 1883.
La délibération du conseil municipal, séance du 6 novembre 1833, porte que M. le Maire invite l’assemblée à apprécier le nombre des écoles publiques nécéssaires à la commune…
… il explique ce qu’on attend par 1er enseignement individuel ; 2e enseignement simultané ; 3e enseignement mutuel, et propose d’adapter ce dernier pour la commune…
… il propose de fixer la rétribution mensuelle de chaque élève à 0,f75 et de former la liste des élèves gratuits.
Le conseil vote 1000francs pour appropriation d’un local scolaire.
Dans sa séance du 9 novembre, même année, le conseil décide qu’il n’y aura qu’une seule école publique à Saint-Pé, et que la méthode mutuelle y sera enseignée.
Le traitement de l’instituteur pour 1834 est fixé à 250francs et la rétribution scolaire mensuelle à 0f75. Mais la liste des élèves indigents est portée à 76 inscrits.
Dans la séance du 18 janvier 1834, le conseil municipal accorda à titre d’indemnité de logement, la somme de 60 francs à partager entre M.M. Monlaur et Escot-Sep. En outre, l’assemblée proposa au comité d’arrondissement les sieurs : Monlaur, Vignalou et Abadie-Jeangrand.
M. Monlaur fut agréé comme instituteur communal, mais dans sa séance du 9 août 1834, le conseil municipal réduisit son traitement à 200 francs.
Ce même conseil, dans sa séance du 3 mai 1835, proposa de régler comme suit la rétribution mensuelle : 1e élèves de 6 à 8 ans, 0f50 par mois ; 2e de 8 à 10 ans, 0f75 et de 10 ans et au-dessus 1f.
On donne ensuite lecture d’une pétition de M. Monlaur qui se plaint de ce que la liste des indigents dépasse 70 élèves, chiffre qui lui produirait 420 francs au taux de 0f50, si ces élèves-là étaient payants.
Le conseil est d’avis qu’il y a lieu de prendre en considération cette réclamation, et d’augmenter le traitement fixe du maître d’école qui est élevé à 500 francs.
Dans une séance du 29 novembre 1835, un membre du conseil fait observer que les élèves gratuits, qui s’élèvent au nombre de 82, étaient trop nombreux pour que l’instituteur puisse les soigner.
Les progrès, en effet, durent laisser à désirer à l’école communale ; les gens aisés en retirèrent leurs enfants pour les confier à M. Vignalou, instituteur libre. Ainsi, deux écoles vécurent côte-à-côte jusqu’après la loi de 1850 ; l’une était communale et gratuite et l’autre libre et payante.
Mais vers 1854, M. Monlaur, instituteur communal, fut remplacé par les Frères. Le registre des délibérations me fait défaut momentanément pour montrer comment fut justifié ce changement de régime.
M. Vignalou lui-même ferma son école libre et se fit nommer instituteur communal dans le département.
Les frères, dès lors, au nombre de trois, donnèrent seuls l’enseignement primaire aux jeunes garçons. Plus tard, sur la demande de la municipalité, le nombre de Frères, fut réduit à deux, et ils ne purent plus suffire à la tâche.
Le 17 septembre 1878, le Directeur principal des Frères écrivit la lettre suivante de Lavacan (Gers) :
« Monsieur le Maire,
Notre Supérieur général me charge de vous informer que par suite de l’insuffisance de traitement fait à nos Frères dans votre commune, et aussi du surcroît de travail qui leur incombe, nous sommes forcés d’abandonner ce poste.
Vous pourrez donc pourvoir au remplacement de nos Frères pour l’école communale de Saint-Pé.
J’ai l’honneur d’être, etc. »
Monsieur le Maire demanda immédiatement quelles conditions les Frères entendaient faire à la commune.
Le Directeur principal répondit par une lettre du 20 septembre qu’on ne pourra se charger du service qu’à la condition d’envoyer trois Frères qui devront recevoir le traitement légal.
C’est alors que la commune opta pour l’enseignement laïque, et que l’administration, en dépit de ses promesses, nous envoya dans ce poste avec un seul adjoint.
Nous souffrons depuis bientôt neuf ans dans cette situation intolérable.
Des congrès pédagogiques ayant porté à 40 le chiffre maximum des élèves qu’il fallait confier à un seul maître, on s’est empressé de déférer à ce vœu. Dans notre département, les écoles qui ont un effectif scolaire égal ou inférieur au nôtre ont toutes trois, quatre ou cinq maîtres, à l’exception de celle de Saint-Pé ; et ce fait se produit à une époque ou l’on proclame très haut les principes d’humanité, d’égalité et de justice.
En 1883, l’administration créa une école communale de filles.
Il fallut que l’institutrice fût installée d’office.
La maison d’école des garçons avait été construite et disposée pour trois Frères vivant en communauté. Comme le plan ci-joint l’indique, elle se compose d’un corps principal dirigé du Sud au Nord avec un premier et de deux pavillons latéraux, à rez-de-chaussée ; seulement ; chacun d’eux a une salle de classe ; le rez-de-chaussée du corps principal a aussi une classe, plus un vestibule, un parloir et une cave.
Le logement des maîtres est au premier, correspondant au corps principal, et se compose d’une cuisine, d’un salon, et d’une chambre à coucher pour le Directeur, et de deux cellules pour les adjoints, le tout fort exigu.
Relativement à l’école des garçons, les besoins ne sont nullement satisfaits ; pour améliorer la situation, il est indispensable de rétablir une troisième classe.
La fréquentation de l’école laissent à désirer quand à l’assiduité des élèves ; ils rentrent souvent après l’heure, et ils manquent la classe sous légers prétextes.
Mais le nombre des élèves qui suivent nos cours ne descend jamais au dessous de 100 sauf peut-être au mois d’octobre et s’élève en moyenne à 130 élèves par mois.
Du commencement de l’année à la fin nous recevons en moyenne 160 élèves.
Dans ces conditions l’état de l’instruction ne peut pas être brillant ; et à une époque où l’on veut que nous enseignions tout, des élèves quittent définitivement l’école avant d’avoir appris à lire.
Le nombre des conscrits illettrés est de 2 ou 3 sur 20.
Quand aux conjoints qui n’ont pu signer leurs noms, il y a 2 hommes et 4 femmes sur un total de 14.
Nous avons une bibliothèque scolaire formée par deux concessions du ministère dont la première date de 1872, et la seconde de 1884. Elle compte 61 volumes, et il y a eu 62 prêts en 1886.
Mais il existe dans la localité une bibliothèque catholique fort suivie.
Nous n’avons pas de caisse des écoles, ni, malgré nos efforts, de caisse d’épargne scolaire : les enfants n’ont pas toujours de quoi se procurer les fournitures classiques.
Le traitement des maîtres est réduit ici au minimum : 1200 francs pour le titulaire, et 700 francs pour l’adjoint.
Le traitement de l’institutrice est de 800 francs.
L’instituteur adjoint n’acceptant pas le logement qu’on pourrait lui offrir à l’école, reçoit une indemnité de logement s’élevant à 50 francs.
La location de l’école de filles s’élevait à 200 francs ; le baïl expire.
Un projet d’amélioration de l’école des garçons nécéssite une dépense de 30000 francs. Il convient, en outre, de presser la commune et l’administration pour qu’une troisième classe y soit créée.
Pour l’école communale de filles, je ne vois guère ce qu’il y a lieu de faire.
Il est regrettable que l’administration ne nous ait pas donné le temps de traiter convenablement la question.
A St-Pé, le 21 Avril 1887.
L’Instituteur public,
Retranscrit (au
complet et dans son orthographe et sa ponctuation d’origine) par Jean-Marc
Nouguès
jme@club-internet.fr – Octobre 2003